Hostage – Poly PDV

HOSTAGE - POLY PDV

Une prise d’hotage, cinq points de vue :

Yamato Toraji – Directeur Yakashima Asie-Pacifique

Encore quelques heures et j’en aurai fini avec cette corvée. Avec tout ce que nous leur avons apporté, les Coréens devraient nous remercier plutôt que de nous accueillir avec des œufs… Ils n’ont aucun respect pour les costumes de chez Shinji Yoshikura qui plus est. Enfin, tant que ceux-là nous font gagner de l’argent, autant les exploiter. Ah et ce gamin là-bas qui se fait remarquer… aucun respect. Je me demande pourquoi on leur a dit de venir en famille pour ce dîner, on célèbre le rachat de leur boite par Yakashima, ce n’est pas une fête de famille. Ah… L’ancien dirigeant a terminé son discours, je vais bientôt commencer le mien.

Machinalement, je vérifie une dernière fois que le texte s’affichera bien sur mes lentilles de réalité augmentée. Je vérifie également que mon logiciel de langue coréenne est à jour. Voilà, c’est à moi…

“Tout d’abord, bonsoir à tous. Je voudrais être bref. Je sais ce que vous, très chers collaborateurs, vous dites au sujet de ce changement dans la politique de votre société. Vous vous dites que nous devrions garder en tête que l’objectif développe les concepts motivationnels des acteurs. Certes, mais il ne faut pas oublier non plus que l’évaluation en étend les paramètres caractéristiques. En effet, si l’objectif est indispensable au marketing, l’évaluation, elle, stimule les résultats. Il devient donc nécessaire que la planification opérationnelle affirme les systèmes du groupe pour que le développement soit optimisé de façon optimale. Je vous le dis donc…”

Soudain, une alarme se fait entendre, c’est le comble. Le directeur de Yakashima Asie-Pacifique se déplace jusque dans leur trou et on cherche à l’humilier. Jamais je n’aurais dû quitter notre succursale de Hong-kong pour venir ici. Et voilà les gamins qui commencent à crier maintenant. Mais… qu’est-ce que… ce n’est pas la sécurité !

Je jette un œil sur mes gardes du corps, mais, pris de court, ceux-ci semblent vouloir se rendre. Bande d’incapables. J’essaye mentalement d’envoyer un message avec mon commlink, mais les communications extérieures sont coupées. Celui qui me semble être le chef des intrus prend ensuite la parole.

“Ceci est une prise d’otages, messieurs dames. Obéissez et aucun mal ne vous sera fait. Et maintenant, tout le monde au centre.”, puis il ajoute en me regardant : “Sauf vous M.Yamato, restez où vous êtes”.

L’intrus s’approche de moi, monte sur scène puis commence à tourner autour de moi. C’est bien ma chance. Venir en Corée pour tomber sur des Shadowrunners… Restons calmes, j’ai déjà connu des situations pires que celle-là.

“Nous sommes du M1919”, me dit-il. “Tu sais ce que ça signifie ?”

J’ai déjà entendu parler de ce mouvement, oui. Des terroristes attaquant des Japonais sans défense. Des moins que rien qui n’ont toujours pas compris que leur pays serait une médiocrité culturelle sans nous. Les Coréens devraient nous remercier plutôt que de nous détester.

“Ça veut dire que tu n’es pas le bienvenu.”

Original comme introduction… Si tu crois m’intimider…

Je ne dis rien, je fixe le mur droit devant moi et je garde même un petit sourire moqueur pour l’énerver. Ça doit marcher, car il me frappe derrière les jambes pour m’obliger à me mettre à genoux.

“Tu te crois supérieur hein ?”, me crache-t-il à la figure. Mon sourire est toujours là. Il pose le canon de son arme sur l’arrière de mon crâne. Je sais qu’il ne me fera rien. Ce serait stupide… Il ne peut pas me tuer pas vrai ? Je ne souris plus. Qu’est-ce que je fais là ? J’aurais dû rester à Hong-kong.

“Combien ?” ma voix ne laisse transparaître aucune émotion. Je me suis déjà sorti de situations pires que celle-là. L’argent peut résoudre toutes les situations, il n’y a pas de raison que celle-ci soit différente.

“Oh, il te reste une minute ou deux. Juste le temps que tu te fasses dessus.”

Comment !? Ce n’est pas possible. Il refuse mon offre ? Non, il dit ça uniquement pour me déstabiliser, pour faire monter les enchères. Dans ces moments-là, on pense à beaucoup de choses en deux minutes et on finit vraiment par douter. Je sens son sourire derrière mon dos et je commence à croire qu’il a réellement l’intention de me tuer. Puis je ne sens plus l’arme appuyée contre mon crâne. Je me détends, finalement ce n’était que du bluff. La seconde suivante c’est sur ma nuque que le canon froid de l’arme est posé. Là, je ne sais pas pourquoi, mais je sens la panique monter en moi.

“Ne me tuez pas ! J’ai beaucoup d’argent et…” Il me coupe la parole.

“L’argent n’achète pas tout ! Quand ton pays a colonisé le mien, combien d’atrocités impunies ont été commises ? Combien ? Aujourd’hui vous continuez de nous exploiter, de nous piller, de nous traiter comme des animaux. Mais vous n’êtes pas au-dessus de tout. Voilà la justice !”

Je m’apprête à répondre, mais la balle est plus rapide. Le choc est tellement violent et brutal que je ne l’ai même pas sentie traverser mon cou pour déchirer ma gorge.

Je suis au sol à présent, gargouillant dans mon sang. Je commence à voir trouble et j’ai du mal à respirer. La douleur est si intense que je ne la perçois presque plus. Impuissant, j’aperçois les jambes de quelqu’un s’approcher, puis poser ses genoux devant mes yeux. On enfonce quelque chose dans mon datajack. J’ai froid. Je ne vois plus rien à présent et tous les sons que j’entends semblent de plus en plus lointains sauf un dernier qui explose dans ma tête : l’ultime détonation.

Song Neo - Otage de 5 ans

“Salut mon gentil journal. Ce soir, avec papa et maman, on va manger là où papa il travaille. J’avais pas envie d’y aller au début parce que je voulais jouer un peu avec Soo-mi dans la matrice. Mais maman elle m’a dit que papa il allait crier si je faisais des histoires. C’est pas grave parce que j’ai pris le gant et les lunettes que papy m’a achetées à Noël, alors je pourrais quand même jouer.”

“Neo ! Tu es prêt mon chéri ?”

“Ah, c’est maman qui m’appelle, on va partir. À plus tard mon journal. Sauvegarder.”

Je descends de ma chambre et j’arrive dans l’entrée. Maman est belle, c’est une elfe, et papa, il est déjà prêt alors je file mettre mes chaussures et mon manteau. Dans la voiture, je m’amuse avec mes nouvelles lunettes. Une fois arrivés, papa et maman disent bonjour à plein de gens que je connais pas. J’ai pas envie de leur dire bonjour, ils ont des têtes bizarres. Finalement, tout le monde s’installe dans une grande pièce où il y a des tables pour manger. Sur l’estrade, un monsieur commence à parler. C’est pas amusant alors je demande mes lunettes à maman. Comme elle veut pas, je commence une crise. Les gens commencent à me regarder, mais j’y fais pas attention. Je suis pas coléreux ou un méchant petit garçon d’habitude, hein. C’est juste que je m’ennuie beaucoup…

Finalement papa demande à maman de me donner les lunettes pour que je reste tranquille. Je l’aime bien mon papa. Je mets mes supers lunettes et avec le gant, je me connecte au serveur de jeu. Deux minutes plus tard, je me retrouve avec un écran noir qui dit “Con… euh connex-i-on in-te-rom-pusse”. Le serveur doit avoir un problème. J’essaye de me connecter sur un autre serveur, mais j’ai le même message.

“Maman… Les lunettes elles marchent pas…”

“Tu les as pas cassées j’espère ?” me chuchote-t-elle. “Bon, on regardera ça tout à l’heure.”

Elle est gentille aussi ma maman. À ce moment-là une sonnerie très forte retentit. Ça me casse les oreilles et comme d’autres enfants commencent à crier, je fais pareil. Juste après, plusieurs monsieurs avec des armes apparaissent comme à la tridéo ! Ils sont habillés en noir et menacent tout le monde. Peut-être que ce sont des shadowrunners. On nous dit de tous nous regrouper au centre, sauf le monsieur japonais qui parlait. Papa et maman ont l’air d’avoir peur et maman me prend dans ses bras. Moi aussi j’ai un peu peur, mais c’est la première fois que je vois des vrais pistolets et des vrais fusils. Peut-être qu’ils vont tirer en l’air ! Tout le monde est assis en tailleur maintenant, moi aussi. Un des shadowrunners s’approche de nous et commence à fouiller tout le monde. Je l’aime pas, il a l’air méchant. Et puis, il fouille maman plus longtemps que les autres. Je commence à pleurer en appelant maman. Je veux qu’il laisse ma maman tranquille.

“C’est ton gamin ?” demande le méchant monsieur à mon papa.

“Oui.”

“Apprends-lui à se taire.”

Quand le méchant monsieur s’éloigne, ma mère me prend dans ses bras pour me calmer. Je crois que c’est aussi pour qu’elle se calme. En tout cas j’arrête de pleurer. Je regarde sur la scène et je vois le monsieur japonais à genoux. Un méchant pointe son pistolet sur sa tête. Il a pas l’air content. Et soudain il tire ! Je vois le monsieur japonais s’effondrer dans une grande éclaboussure de sang. C’est trop dégoûtant et je ferme mes yeux. Le bruit du tir et la violence de ce que j’ai vu me choquent. Je me mets à pleurer en revoyant le cou du monsieur explosé. Je crois que les autres enfants pleurent aussi, mais je m’occupe pas du reste. Maman a été surprise aussi, je le sais parce que elle aussi elle a sursauté. Et puis elle tremble aussi en me serrant contre elle. Un deuxième coup de feu fait redoubler mes cris. Un méchant dispute mes parents parce que je pleure. Je veux me retenir, mais je n’y arrive pas. Au bout d’un moment il y a du mieux, je sanglote seulement. Les méchants sont toujours là, je crois que la police est dehors, alors ils peuvent pas sortir. J’espère que les policiers ils vont arrêter tous les méchants shadowrunners. J’entends une porte claquer et sans le vouloir je revois encore le monsieur japonais… Je me remets à pleurer.

“Chhh… Ne pleure pas… Quand tout sera fini je t’achèterais petit chien virtuel, tu veux ?”

Maman essaye de me calmer encore une fois. Je veux lui montrer que je suis un grand garçon, mais même si je crie plus, quelques larmes coulent quand même sur mon visage.

Puis tous les policiers entrent en même temps et commencent à tirer sur les méchants. Tout se passe très vite et je tourné la tête pour ne pas voir.

J’essaye de ne pas penser au monsieur Japonais, en tout cas je ne repleure pas. Dans l’encadrement de la porte, je vois maintenant une policière avec la même armure noire que les autres policiers qui sont entrés. Elle aussi elle tient son fusil comme à la tridéo. Je peux pas voir sa tête à cause de son casque, mais je crois qu’elle me regarde. Elle est venue nous sauver, elle est gentille. Elle s’approche de moi tout en visant le haut des escaliers. “Tout va bien”, me dit-elle d’une voix douce tout en posant une main sur mon épaule. Ensuite elle part vers les escaliers, je crois qu’un méchant est monté tout à l’heure, j’espère qu’elle va faire attention à elle.

D’autres policiers sont en train d’entrer. Ils sont pas en armure noire eux, mais ce sont quand même des gentils parce qu’ils aident les gens à sortir dehors. Nous aussi on sort. Il y a beaucoup de monde dehors. À côté d’une ambulance, papa et maman me prennent dans les bras. Moi aussi je suis content que ce soit fini. D’ailleurs…

“Maman, quand est-ce que tu téléchargeras Puppy, mon petit chien virtuel ?”

Ki-bum – N° 1 de la cellule du M1919

Les Japonais se croient supérieurs. Ils pensent être au-dessus de tout, ici. Comme si nous étions encore une de leurs colonies. Notre culture est désormais souillée par tous leurs produits, nos traditions sont moquées par leurs médias et notre gouvernement est corrompu par les impérialistes nippons. Je ne veux pas que la Corée redevienne un pays ermite, mais je veux que notre culture soit respectée et protégée, je veux que notre peuple n’ait plus à avoir honte de sa culture. C’est pour ça que j’ai rejoint le mouvement M1919 : pour faire comme mes ancêtres en mars 1919 et résister à l’envahisseur japonais. Ce soir, ma mission est double.

Je suis prêt. Armé de mon 9 mm équipé d’un silencieux, j’attends avec les autres le feu vert de N° 3, notre hacker. Bientôt, nous allons faire payer un ponte corpo qui, lorsqu’il servait la marine impériale, a commis plusieurs crimes injustes en Corée comme ailleurs. C’est aussi une vengeance personnelle, car j’ai appris que c’était lui qui avait fait pression pour que mes parents soient emprisonnés et torturés, il y a un peu plus de dix ans. Et son père avant lui avait ordonné l’exécution de civils nord-coréens durant la guerre de réunification. Je n’aurai vraiment aucun scrupule à le tuer.

Perdu dans mes pensées, je ne fais pas tout de suite attention à N° 3, qui m’informe que le site est à présent isolé de la matrice.

C’est parti, nous pénétrons dans la petite enclave. Outre les quatre bâtiments principaux, il y a des garages et un poste de garde. Nous avons beaucoup étudié le plan et chacun de mes hommes sait ce qu’il a à faire. Comme prévu, je m’approche discrètement du poste de garde.

N° 3 ouvre la porte depuis la matrice et je fais rouler trois grenades neuro-étourdissantes dans le poste. Quelques secondes plus tard, deux hommes en costume noir tentent de sortir, une main devant leur bouche et l’autre tenant un SCK model 100. À leurs traits, je reconnais que ce sont des Japonais, sûrement les gardes du corps de M.Yamato. Je n’ai aucun regret à les abattre.

Masque à gaz sur le visage, N° 4 entre dans le poste pour s’assurer que les autres gardes éventuels soient bien hors de combat. Via son commlink, N° 2 m’indique que d’autres gardes japonais ont été abattus dans les garages. Une fois l’enclave sous contrôle, chacun se positionne comme prévu pour entrer dans la salle des festivités. D’autres gardes du corps seront sûrement présents, mais j’ai demandé à mes hommes d’éviter de faire feu dès leur entrée si ce n’était pas nécessaire. Je préfère éviter une panique chez les invités.

“Top !”

À mon signal, nous entrons et… une alarme se met à retentir ! Je savais que je ne pouvais pas compter sur le nouveau !

Je peste, mais je dois rester concentrer, dans quelques minutes la Korea Police Force sera là… Heureusement, mes hommes ne se laissent pas décontenancer et même les gardes du corps de M.Yamato semblent comprendre qu’il vaut mieux pour eux ne pas faire d’histoire. Quand la situation se stabilise, je prends la parole.

“Ceci est une prise d’otages, messieurs dames. Obéissez et aucun mal ne vous sera fait. Et maintenant, tout le monde au centre.”, puis j’ajoute en regardant cette ordure dans les yeux : “Sauf vous M.Yamato, restez où vous êtes.”

Je m’approche de lui tout donnant des ordres par commlink. Il faut vérifier que personne n’est armé et s’occuper des gardes du corps. Visiblement ils sont originaires de Hong-kong. Ils vivront s’ils ne font pas de vague. Une fois sur la scène où Yamato faisait son discours, je commence à tourner autour de lui, l’observant de la tête aux pieds.

“Nous sommes du M1919. Tu sais ce que ça signifie ?” Je le laisse réfléchir une seconde, puis je lui réponds : “Ça veut dire que tu n’es pas le bienvenu.”

J’y crois pas, cet enfoiré sourit. Il se fout de ma gueule. Il pense peut-être que je plaisante…

“Tu te crois supérieur hein ?”

Je lui donne un violent coup derrière les jambes pour qu’il se mette à genoux puis je pose le canon de mon arme sur son crâne. On fait moins le malin comme ça, pas vrai ?

“Combien ?” me demande-t-il.

Cette arrogance a le don de m’énerver. Il croit vraiment pouvoir corrompre tous les Coréens. Eh bien il se trompe.

“Oh, il te reste une minute ou deux. Juste le temps que tu te fasses dessus.”

Je crois que cet enfoiré commence à réaliser qu’il va mourir. Je veux sentir son angoisse monter, je veux lui laisser le temps de regretter ces actes. Cette mort que je vais lui offrir est trop généreuse comparé à tout le mal qu’il a fait. Il tente de cacher ses émotions, mais je sais qu’il a peur. Le moment fatidique approche, mais je dois garder sa tête intacte, les données qui s’y trouvent sont trop importantes pour le mouvement. J’enlève donc mon arme de son crâne et l’enfoiré semble se détendre. Nan, stresse mon gars, il te reste que quelques secondes maintenant. Je pose mon arme sur sa nuque et là il me fait un immense plaisir en m’implorant.

“Ne me tuez pas ! J’ai beaucoup d’argent et…” Mais c’est plus fort que moi, je ne veux pas l’entendre, il m’énerve.

“L’argent n’achète pas tout ! Quand ton pays a colonisé le mien, combien d’atrocités impunies ont été commises ? Combien ? Aujourd’hui vous continuez de nous exploiter, de nous piller, de nous traiter comme des animaux. Mais vous n’êtes pas au-dessus de tout. Voilà la justice !”

Je presse la détente et je vois cette ordure projetée lamentablement sur le sol dans une gerbe de sang. Sa blessure n’est pas belle à voir et j’en suis content. Je l’entends gargouiller, il n’est pas mort. Tant mieux, c’est encore trop doux pour quelqu’un comme lui, qu’il souffre un peu avant de mourir. N° 3 s’approche de lui et enfonce un petit appareil dans le datajack de Yamato. Quelques secondes plus tard, le téléchargement des données est terminé. Après que N° 3 m’ait donné la puce contenant les informations, je fais feu une seconde fois sur cet enfoiré… en visant son visage, pour le défigurer. Comme prévu, je suis couvert de sang. Je me dirige alors vers un otage, un sympathisant du M1919 en fait, mais je suis le seul à le savoir.

“Donne-moi ta veste.”

L’homme s’exécute et, discrètement, je lui donne la puce au passage. Ainsi, les données parviendront au M1919 quoiqu’il nous arrive, car la KPF est déjà là. J’enfile ma nouvelle veste en donnant des instructions à mes hommes. La police fait ses habituelles sommations au moment où j’entre en contact avec eux par commlink.

“Nous avons des otages, y compris des enfants. Je vous conseille de ne pas intervenir. Nous vous ordonnons la libération immédiate des trois chefs du M1919 que vous avez arrêté la semaine dernière. Si vous obtempérez, nous nous rendrons sans condition, sinon nous abattrons un otage toutes les vingt minutes.”

Voilà qui devrait les occuper un peu. Mes hommes me regardent, confiants. Ça me fait mal au cœur pour eux. Je savais que nous allions probablement tous mourir et je les ai menés dans cette mission suicide.

Nous n’avons aucune issue. La KPF finira par s’apercevoir que nous n’avons pas non plus d’appui magique et que nous sommes vulnérables. Sans compter qu’ils ont dû trouver les gardes morts, ils ne prendront pas de gants pour intervenir. Le SWAT est peut-être déjà en route.

Je discute un peu avec mes hommes pour leur remonter le moral. Ils sont conscients de la situation, eux aussi.

N° 3 a disparu. Je le connais mal. Il n’a été recruté que récemment et seulement parce que nous avions besoin d’un hacker pour cette mission. Peut-être est-il allé se cacher ? Bah, peu importe maintenant.

L’attente me ronge. Finalement, je décide d’aller me mettre en embuscade avec N° 2 dans un des couloirs souterrains reliant les immeubles. Avec un peu de chance, les flics ne s’attendront pas à nous trouver là et nous pourrons créer une brèche pour tous nous enfuir. Je n’y crois pas trop, mais ça vaut le coup d’essayer. Je quitte donc la salle principale avec N° 2.

Nous nous rendons dans le couloir. Les lumières sont éteintes, il fait sombre. Le long du couloir, des étagères, divers cartons et des portes menant vers des salles d’archives vont nous permettre de surprendre les policiers qui s’aventureraient dans le couloir. Nous aménageons à la hâte un abri de fortune au milieu du couloir, juste à côté d’une salle, au cas où nous devrions nous replier. Puis l’attente recommence…

Un quart d’heure plus tard, tout s’accélère. La porte du couloir s’ouvre brusquement, deux SWAT sont déjà en position, prêts à faire feu.

Miraculeusement, je réussis un tir réflexe avant de me mettre à couvert. J’ai touché le SWAT à la poitrine je crois. N° 2, lui, était déjà à l’abri. Malgré le tir de barrage des policiers, nous avons gagné la première manche. Je laisse dépasser ma main en dehors du couvert, pointant mon arme en direction du couloir. La caméra de l’interface d’arme me montre l’homme que j’ai touché. Son armure a apparemment stoppé la balle, mais l’onde de choc l’a quand même bien sonné. Ses collègues tentent de le traîner en sécurité, c’est le moment d’agir. N° 2 et moi envoyons un feu nourri sur les deux SWAT encore debout. J’en vois un qui s’effondre sous les balles tandis que l’autre se met à couvert. N° 2 continue à tirer pour me couvrir alors que je tente une sortie. Il ne reste qu’un SWAT debout et avec un peu de chance…

À ce moment j’entends du bruit provenant de derrière. Je me retourne et j’ai juste le temps de voir la tête de N° 2 explosée par une rafale courte, précise, tirée par un SWAT à l’autre bout du couloir. Il y en a des deux côtés, je suis pris au piège.

Je rentre en toute hâte dans l’une des pièces se trouvant sur le côté et je me plaque contre le mur. Je n’ai aucune issue, aucune chance. Et si les SWAT ont pu débarquer derrière nous, c’est qu’ils se sont déjà occupés du reste de mes hommes. J’inspire un grand coup. Il est inutile de faire plus de dégât. Je pose le canon de mon arme sur ma tempe. C’est difficile, je ne veux pas mourir. Finalement les SWAT font une apparition éclair dans l’encadrement de la porte, juste le temps de prendre la décision pour moi. Ma poitrine est déchirée par les balles, la douleur est intense. Mon doigt se crispe et je presse la détente.

Fire - Runner infiltré

Ça fait une semaine que je traîne avec ces connards d’extrémistes du M1919, putain de mission. Quand ce sera fini, j’irai me taper un bon simsens japonais. Pas que je sois fan du Japon, mais rester avec ces gars fait vachement relativiser les choses… Enfin, mieux vaut me concentrer.

Je me suis installé comme j’ai pu dans leur van. Je suis sûr que quand je repasserais en Réalité Augmentée je vais avoir des crampes. Pour le moment je me trouve sur la grille locale en face d’un petit bâtiment. Les couleurs et le logo sont ceux de Yakashima mais ce n’est pas leur design habituel. Je suppose que l’admin de la boite n’a pas encore installé les programmes des nouveaux patrons et qu’il a juste modifié les skins à la hâte. Tant mieux, ça m’aurait fait chier d’avoir pris le temps de prober le serveur pour finalement devoir les hacker à la voler… Heureusement aussi que le serveur n’est pas rattaché à la grille de Gaesong, sinon c’était mort…

Bon, allons-y… Premièrement je lance quelques programmes de routine destinés à tuer les différents petits messages d’alerte que mon intrusion pourrait déclencher. Puis j’exploite la faille que j’ai mise en évidence durant mes repérages pour me créer un compte. Voilà, j’ai à présent le pass d’un super-user dans ma poche virtuelle. Tout se passe bien, on va pouvoir commencer.

Je quitte la grille locale pour rejoindre mon PAN. De là, je scanne les différents nodes à proximité. Le portail automatique du complexe fera tout à fait l’affaire. J’ouvre un lien et une porte apparaît dans mon environnement de Réalité Augmentée. J’ouvre la porte et, grâce à mon pass, je peux rentrer dans le node du portail. De fil en aiguille je remonte jusqu’au node correspondant à l’accès matriciel. Je sais que mon pass ne va pas suffire alors je charge quelques utilitaires et pré calcule certains facteurs pour m’aider à émuler la carte d’accès nécessaire. Le temps de faire ça, une CI qui patrouillait commence à s’intéresser à moi.

“Que faites-vous ici à cette heure ?” me demande la CI.

“J’ai été appelé pour faire de la maintenance sur la connexion. Il ne faut pas de problème ce soir.”

“Les logs n’indiquent aucun appel en direction de votre comcode. Veuillez introduire votre puce d’identification dans le lecteur de votre commlink pour une analyse plus complète de votre affirmation.”

Ah le lourd. Tant pis pour la discrétion, je lance ma machine virtuelle et je coupe l’accès du site à la matrice. La CI n’est pas très bien programmée et ne réagit pas. Elle se contente de me redemander ma puce d’identification sans se préoccuper du reste. Le serveur n’est pas encore en alerte. J’envoie un message à ce connard de Ki-bum, pardon, à “N° 1”, pour lui signaler l’état des communications. La CI me redemande une troisième fois ma puce d’identification. Je veux changer de node, mais elle me suit. C’est lourd, je dois repasser en Réalité Augmentée et je n’ai pas envie d’engager un cybercombat. Aller tant pis, je charge mon agent. Je n’ai pas finalisé sa programmation, c’est la première fois que je l’utilise en mission.

“Salut, mon ami ! Dis donc, ça fait… 10 jours, 3 heures, 37 minutes et 45 secondes que je ne t’ai pas vu ! Qu’est-ce que tu faisais ?”

Faut vraiment que je pense à virer ce qu’il reste de sa programmation d’origine. Top, mon agent, était un ami virtuel Samyung à la base. Je lui demande de s’occuper de la CI qui me harcèle. D’après sa programmation, il devrait la désactiver d’une façon ou d’une autre. On verra bien. De mon côté, je vais ouvrir les portes du poste de sécurité et des garages en évitant quelques pièges matriciels. Le serveur est maintenant en alerte passive. Je dois faire attention, il ne faut pas qu’il reboot.

Avant de repasser en Réalité Augmentée, je jette un œil sur Top. Ce crétin d’agent a reprogrammé la CI pour qu’elle devienne son amie… Au moins, pendant ce temps elle m’emmerde plus avec sa puce d’identification…

Retour au plan physique. Je m’étire et je descends du van. Je sors un Colt Manhunter de son holster et je vais me poster près de N° 6. Il regarde mon pistolet lourd avec de grands yeux, bien sûr, il ne sait pas que je suis un runner, il ne se doute pas non plus que je suis câblé et que le Manhunter est chargé à la balle explosive… D’un autre côté il tient une Ingram Warrior à la main. D’ailleurs, maintenant que j’y pense, le M1919 est plutôt bien équipé, ce n’est pas anodin de pouvoir se procurer des armes automatiques dans les ombres coréennes.

Au signal de N° 1, je déverrouille les portes du bâtiment et nous entrons.

Une alarme se fait alors entendre. C’est quoi ce bordel, j’ai pourtant tout désactivé ! Pendant que les autres prennent position dans le bâtiment, j’examine le système matriciel en Réalité Augmentée. Non, à part Top et son nouveau pote, je vois rien de bizarre. Ça doit être un système indépendant. Je scanne les environs et je finis par trouver le signal. Je m’y connecte en force et sans chercher à comprendre, je crashe l’OS. L’alarme se tait.

Je jette enfin un œil autour de moi. Je vois une grande salle avec des tables, et une estrade. Dessus, N° 1 est en train de parler avec un Japonais, sûrement Yamato. N° 2 est parti chercher les cuisiniers et N° 4 est allé vérifier que personne ne se trouve dans les étages. Des familles sont regroupées au centre, assis en tailleur. N° 5 est en train de les fouiller. Quand cet obsédé tombe sur une elfe, il ne se prive pas de la peloter devant son gamin. Il me dégoûte et j’ai bien envie de lui loger une balle entre les deux yeux… Je préfère m’éloigner, sinon je vais faire une connerie.

“Tu te crois supérieur, hein ?”

N° 1 vient de mettre Yamato à genoux. Je suis pas sûr de mieux apprécier son discours que la vue de l’autre obsédé, mais au moins le Japonais, lui, n’est sûrement pas un enfant de chœur.

“Combien ?” demande Yamato.

“Oh, il te reste une minute ou deux. Juste le temps que tu te fasses dessus.”

Quel con… Je suis sûr que c’est jouissif pour lui de tenir la vie de quelqu’un entre ses mains, de dominer sa future victime. Je trouve ça malsain. Pire, en faisant ce genre d’exécution sommaire, il ne se rend même pas compte qu’il est comme les Japonais qu’il hait. Le M1919 déshonore le mouvement d’indépendance originel, ce ne sont que des terroristes ne valant pas mieux que ceux qu’ils combattent.

“L’argent n’achète pas tout ! Quand ton pays a colonisé le mien, combien d’atrocités impunies ont été commises ? Combien ? Aujourd’hui vous continuez de nous exploiter, de nous piller, de nous traiter comme des animaux. Mais vous n’êtes pas au-dessus de tout. Voilà la justice !”

Et quelle justice… Le coup de feu fait pleurer les enfants. Mais je ne dois pas y penser… Je dois faire mon job.

Je m’approche du corps de Yamato. Je l’entends gargouiller, il n’est pas mort. Pauvre type… Je pose un genou devant lui pour enficher un dongle dans son jack. Avec mon commlink, je parcours alors sa mémoire cephaloware pour transférer les fichiers intéressants sur une puce… ainsi que dans la mémoire de mon commlink, car je n’ai pas été engagé pour aider ces salopards, mais bien pour récupérer ces fichiers…

Une fois les paydata téléchargées, je donne la puce à N° 1. Il achève ensuite Yamato d’une balle dans la tête. Je suis couvert de sang et je déteste ça. Dehors, la KPF vient de débarquer, ils sont sûrement en train de nous encercler…

Connerie ! Comment on va sortir de là maintenant ? N° 1 joue le jeu de la prise d’otage et demande la libération de prisonniers. On va tous crever… Je décide de ne pas rester avec eux. J’éteins mon commlink et je grimpe les escaliers. Ma seule chance est de rester planqué en haut et de faire comme si j’étais un invité que les terroristes n’ont pas trouvé.

Je m’arrête au quatrième étage, il y a plusieurs bureaux et une grande salle de réunion. Les tables ont été poussées dans cette dernière et des lits de camp ont été montés. Cette salle est sûrement utilisée par les employés restant travailler plusieurs jours de suite. Je prends une couverture qui traîne et je vais me cacher dans un bureau.

L’attente est longue, c’est le calme avant la tempête. Les SWAT doivent déjà être en train de prendre position, ils ne laisseront aucune chance aux terroristes. Puis les rafales commencent à se faire entendre loin en bas. L’assaut est bref, ce sont effectivement les SWAT qui ont dû donner l’assaut. Ils vont venir sécuriser l’étage… Ça y est, je les entends… Je sors de ma cachette en jouant le civil soulagé de voir la police.

“Ne tirez pas ! Oh, vous pouvez pas savoir comme je suis heureux de vous voir ! Je me suis caché quand j’ai vu les terroristes et…”

“Eh, c’est quoi tout ce sang sur ses fringues ?” lâche l’un des SWAT.

Merde ! C’est foutu, je dois pas leur laisser le temps de réagir.

J’enclenche mes réflexes câblés et je plonge vers le Manhunter que j’avais planqué plus loin. Les policiers ne sont pas assez rapides, je fais feu sur le premier. Les balles explosives le rendent inoffensif. Avant que le second ne réagisse, je m’esquive dans un autre bureau, puis dans un nouveau et je me cache sous la couverture. Le SWAT me cherche, lorsqu’il passe je lui tire dessus. Il se met à couvert. Puis entame un tir de couverture en passant juste son bras dans l’encadrement. Il balaye la pièce de son arme pour tenter de me repérer grâce à son interface d’arme. Il ne m’a pas vu sous la couverture. Lorsqu’il passe l’encadrement de la porte, je lui loge deux balles dans la tête.

C’est maintenant que je réalise.

Putain, je suis trop con… Ils m’auraient fait prisonnier, d’accord, mais je serais sorti vivant. Maintenant que j’ai tué deux des leurs, ils ne me feront pas de cadeau. Je change de position, je me place dans la salle de réunion, entre deux étagères, toujours sous ma couverture.

Merde, comment je vais m’en sortir maintenant ? J’entends du bruit, apparemment, deux autres SWAT viennent d’arriver à l’étage. Je n’arrive pas à réfléchir. Est-ce que je leur tire dessus ou est-ce que j’essaye de me rendre ? Puis je les vois entrer dans la salle de réunion, l’un couvrant l’autre. Le temps que je réalise, j’avais déjà sorti à moitié mon flingue. Foutus réflexes câblés.

Trop tard pour faire marche arrière maintenant, l’un des SWAT m’a entendu. Je tire dans leur direction, au jugé. Ma position et la couverture ne me permettent pas de viser précisément. Ils ont réussi à se mettre à couvert et je ne les vois plus. Putain, une grenade !

Une lumière aveuglante emplit la pièce. L’anti-flash de mes yeux cyber est saturé, je vois presque rien. Je tire une fois de plus à l’instinct, mais déjà je sens de violents impacts me faisant tressauter. La douleur est intenable surtout lorsque j’essaye de lever un peu la tête pour voir mon bourreau. Apparemment c’est une femme. Ça ne rend pas ma mort plus douce. Je me sens lentement partir. J’espère juste que là où je vais, la connerie humaine n’existe pas.

Jia – SWAT de la Korea Police Force

Shibal… C’est toujours quand je commence à mener un match d’AR-Hockey avec mon équipier qu’on se tape une prise d’otage… Je suis maintenant dans notre van, équipée de mon armure légère du SWAT coréen et occupée à suivre le briefing du major en Réalité Augmentée. Pendant ce temps, le van quitte la Zone Economique Spéciale de Gaesong pour se rendre dans une enclave voisine, sur les lieux d’une prise d’otage. D’après le briefing, une cellule terroriste rattachée au M1919 aurait interrompu un dîner organisé pour célébrer le rachat amical d’une petite boite coréenne par Yakashima. C’est bien leur genre…

“S’ils pouvaient comprendre que la seule conséquence de leurs actions est de faire passer les Japonais pour des victimes et non pour les agresseurs…”

Raven n’aime pas les Japonais et c’est compréhensible. Des marines impériaux en permission à Busan ont violé sa sœur quelques années plus tôt et tous avaient par la suite été acquittés par une cour japonaise. Pour ma part, je dois avouer que je n’apprécie pas leur impérialisme, mais tout n’est pas si mauvais que ça chez les Japonais, contrairement à ce que la propagande du gouvernement laisse parfois sous-entendre.

La KPF a déjà encerclé le bâtiment où se trouvent les terroristes et tandis que des pseudos négociations ont lieu, nous prenons connaissance de la stratégie qui sera employée lors de l’assaut. L’objectif est simple : neutraliser les terroristes et protéger les civils. À notre arrivée, chacun de nous sait précisément où se placer en attendant les ordres. J’entre donc dans un immeuble voisin qui est relié au bâtiment de la prise d’otage par les sous-sols.

Je jette un œil sur la fenêtre du système tactique s’affichant sur la visière de mon casque. Tout le monde est en place à présent. Instinctivement, je vérifie l’état de mon ET07-Commando. Il y a 32 balles engagées et les signaux provenant de mon équipement m’indiquent que j’ai deux autres chargeurs standards sur moi, ainsi qu’un troisième chargé à l’APDS.

Je jette un nouveau coup d’œil à l’écran tactique. L’attente semble toujours interminable dans ces moments-là.

Les dernières instructions sont données. À côté de moi Raven inhale une dose de jazz tandis que Kyung-min lance un petit drone insectoïde volant. Mentalement, j’ouvre une fenêtre sur ma visière pour afficher la vue du drone. Au bout du couloir, la porte est fermée et le drone se retrouve bloqué.

Puisque la voie est libre, nous avançons prudemment jusqu’au bout du couloir. Nous sommes maintenant à deux portes de la salle où sont retenus les otages. J’ai les mains crispées sur mon arme et je me concentre pour réunir du mana. La magie n’est pas ma spécialité, mais mon sort passe.

Avec un peu d’effort, je déplace mon champ de vision. C’est toujours une sensation étrange de séparer sa vue du reste de son corps. À présent je peux voir derrière la porte. Un terroriste attend nerveusement, une Ingram Warrior à la main. Derrière lui, une porte entrouverte me laisse apercevoir un couple avec un enfant accroupi, ils ont visiblement peur, ce qui peut se comprendre.

Shibal ! Pourquoi ces connards ont pris des familles entières en otage ? Je lâche mon sort et je retrouve mon champ de vision. Je fais part de ma reconnaissance magique le temps de retrouver parfaitement mes esprits. L’objectif de notre groupe est d’éliminer l’homme derrière la porte, d’appuyer les autres groupes dans la salle principale si besoin est, puis de monter sécuriser le troisième étage. Raven se prépare à ouvrir la porte et je suis prête à intervenir.

Ça y est… Le signal est donné et tout s’accélère. Echo, notre hacker, déverrouille la porte. Une fraction de seconde plus tard, celle-ci est ouverte d’un coup de pied. Immédiatement après j’ai le terroriste dans ma ligne de mire. Il tente de pointer son arme dans ma direction. Je ne sais pas s’il est câblé ou drogué, mais de mon côté je n’ai qu’à presser la détente.

Une rafale part.

L’homme est projeté contre un mur, il ne représente plus une menace. J’entends d’autres rafales d’ET-07. Courtes, précises. Les autres groupes viennent de sécuriser la pièce principale. J’entre dans cette dernière mon arme toujours épaulée. Des larmes coulent sur le visage de l’enfant que j’ai vu tout à l’heure. Lorsque je m’approche pour accéder aux escaliers, il me lance un regard à la fois plein de peur, mais aussi d’admiration. En passant à côté de lui, je lui dis que tout va bien tout en posant une main sur son épaule d’un geste que j’espère rassurant. Je garde malgré tout le regard fixé sur les escaliers.

L’affichage tactique indique que l’un des nôtres s’est fait descendre dans un couloir sous-terrain. Finalement le groupe 2 est envoyé là-bas avec Raven. Je dois sécuriser le troisième étage, seule avec Kyung-min.

Nous y allons progressivement, sécurisant les pièces une par une. Nous entendons trois détonations à l’étage du dessus. Ma visière indique que Shiner vient de se faire gravement blesser. Le Major nous ordonne de monter alors que nous atteignons déjà les escaliers. De nouvelles détonations suivies d’une rafale longue se font entendre. À l’issue de l’échange, FireStorm est au sol, mort d’après le signal qu’envoie son biomoniteur.

Une fois à l’étage, nous mettons une nouvelle fois en pratique notre entraînement tactique. Tous mes sens sont en alerte. Nous arrivons dans une grande salle de réunion. Personne.

Alors que je couvre Kyung-min, je crois entendre un bruit sur ma droite. À moins que ce soit à gauche ? Bah, pas le temps de statuer quel côté est ma droite. Instinctivement, je rentre dans la pièce et me mets à couvert contre le mur. Ce réflexe me sauve la vie parce que je ne sais pas avec quoi il tire, mais ce n’est pas des munitions conventionnelles… J’ai juste eu le temps de voir que le tireur est planqué dans un coin sous une couverture.

Attends un peu…

Avec une coordination parfaite, Kyung-min lance une grenade flash qui explose juste avant mon apparition dans l’encadrement de la porte. Aveuglé, le terroriste fait feu par deux fois au jugé. L’un des tirs vient se loger à travers le mur sur mon kevlar. Cela me coupe net la respiration et me fait poser un genou à terre. Mais c’est trop tard, j’avais eu le temps d’ajuster mon tir et trois tâches écarlates s’agrandissent sur la couverture ayant servi de camouflage.

Je me remets difficilement sur pied. Un coup de chance que la balle ait traversé le mur avant de me toucher. Mon biomoniteur indique que je n’ai rien, mais je sais que j’aurais quand même un gros bleu. À choisir, j’aurais préféré qu’elle ne me touche pas du tout cette putain de balle.

Quelques minutes plus tard, tout est terminé. La zone est complètement sécurisée et les otages sont libres. En sortant du bâtiment, j’enlève mon casque. Comme d’habitude après une opération de ce genre, je suis en sueur. J’inspire l’air frais d’un grand coup ce qui me fait un peu mal où j’ai été touchée. Des brancardiers font monter Shiner dans une ambulance. Cela me rappelle que j’ai tué deux personnes aujourd’hui et que l’unité a perdu deux hommes. Putain de journée… Plus loin, je vois l’enfant de tout à l’heure dans les bras de ses parents et mine de rien, ça me réchauffe un peu le cœur.

Ecriture :  Daegann, 2006